Mon ami,
Le déni de la mort est le déni de la vie.
Vivre à travers le prisme du mental,
là où la vie n’est pas banale,
n’entraînera qu’une chute plus haute.
Le moment venu, malgré tous tes rôles,
tu seras comme tout le monde,
face à ta tombe.
Se rendront alors tous tes projets,
tes acquisitions morales et tes rejets.
Tu prendras en pleine face,
ce que tu as combattu comme un as.
Tu seras mis à terre,
là où il n’y a que de l’air.
Tu te sentiras dépourvu
et pourtant il n’y aura… rien de plus,
rien de moins…
juste un passé lointain.
Un attachement à une idée d’être,
qui t’enferme dans une tête.
Celle-là même que tu perçois peut-être,
comme une sensation dans ce que tu es.
Juste une idée d’un moi qui s’oublie dans le feu de l’action,
qui se rêve à travers une mission.
Les rêveries infinies
qui comblent un ego fini,
un contour idéalisé,
un personnage-né.
Cet îlot paradisiaque
finira par se briser,
te rendre maniaque, acariâtre.
Alors, mon ami, ce jour-là
ne sois pas dur envers toi-même.
Il n’y a que la vie qui t’aime.
Qu’un retour à soi,
inévitable et banal.
Rien n’est inébranlable.
Tout semblera s’écrouler.
Tu sentiras même ta structure vibrer,
Ce jour-là,
n’oublie pas,
que tu ne te briseras pas,
que seulement tu relâches,
seulement tu relâches,
seulement tu relâches.
N’engage pas de nouveau
une forteresse dans ce qui te blesse.
Laisse aller, abandonne toi,
Aies confiance en ce qui est plus grand que ce « petit moi ».
Et dans ton nouveau monde,
n’oublie pas que la terre est ronde.
Que tout apparaît et disparaît,
tout même ce que tu es.
Tu te demanderas peut-être alors,
ce qu’est ce vivant au-delà de la mort.
Tu remettras en question toutes tes croyances,
ébranleras de nouveau tes faïences.
De ces fêlures,
dans ces brisures,
tu laisseras passer le silence.
Celui-là même qui t’englobe et qui t’attend.
Tu te reposeras dans ses bras,
tu te déposeras ici-bas.
Petit à petit, le ciel rejoindra la terre.
Les mystères rencontreront les misères,
leur rendant leurs lettres de noblesse,
puisant leurs forces dans leurs faiblesses.
Les paradoxes s’épouseront,
entraînant une forme de juste perdition,
ce que tu appelles lâcher-prise.
Tu n’en ressentiras alors qu’une légère brise.
En attendant mon ami,
tu puises ton courage,
à travers ces luttes,
à travers ces chutes,
tous ces changements d’états,
ces mouvements dans ce qui ne bouge pas,
indélicats à tes yeux,
si beaux à mes yeux.