Je t’ai parlé tant de fois comme une prière m’adressant à toi et te demandant quand tu me ferais l’immense joie d’arriver dans ma vie. J’attendais depuis déjà si longtemps de tomber enceinte. Des moments cruels parfois, longs surtout et pourtant un temps nécessaire à la maturation de tout cela. J’ai ainsi rencontré le reiki, le bouddhisme, les pierres et leurs vertus. Tant d’exploration qui ont nourri l’âme en attendant ton arrivée tant désirée. Tu es arrivée quand, paradoxalement, tous désirs en moi furent tombés, l’élan était toujours là oui, mais pas comme une nécessité absolue. Mon cœur était nourri de ce nectar que m’offrait la vie, une richesse insoupçonnée. Le manque et l’abondance se sont côtoyé de si près à cette époque-là.
Nourrie de ce « je ne sais quoi » inexplicable, je décide de prendre refuge et il y a un entretien privé avec le Lama. Je lui parle ouvertement de mes failles, et elle me fait l’immense honneur d’être authentique et de pointer mon ignorance (j’avais fait euthanasier ma petite chienne quelques temps plus tôt suite à une tumeur au cerveau -en sommes j’avais pris une décision sur le cours de sa vie- et je savais très bien ce qui s’était passé en moi ce jour-là : ma fuite de la souffrance, ma fuite de la vision de la souffrance). Cet entretien a signé, à validé, l’arrêt des fuites en moi-même, le début d’un véritable éclairage en conscience.
C’était mûr. Non pas mûr par accomplissement (oh là non ! Je côtoyais le manque profondément) mais mûr pour entamer une démarche intérieure qui allait renverser tout mon monde.
1semaine plus tard, nous décidons de faire quelques heures de route pour le centre bouddhiste de Dhagpo. Il y régnait un silence incroyable. C’était même particulièrement vide. Nous étions au milieu de cette grande cour quand une personne sort et nous demande de la suivre en nous disant : « venez, vous êtes attendus ». Attendus par qui ? Nous ne savions même pas hier que nous venions aujourd’hui !
Nous rentrons dans le temple. C’était magnifique. La salle était pleine et si vivante (en comparaison avec l’extérieur). Le bouddha était si grand et si beau. Et juste devant se tenait le Lama que je connaissais, Tashi. Elle me dit « ah ! Il (je ne me souviens plus de son nom) ne s’est pas trompé ! » en souriant jusqu’aux oreilles. Et elle me tend un sachet (qui était placé juste à côté d’elle). Elle me dit que c’est du sel béni pour le bébé. Je lui réponds que Vincent part dans une semaine pour 3 mois et que c’est gentil de sa part mais que ça ne sera pas pour cette fois malheureusement». Elle me regarde et me répond « tu le mets sous ta langue tous les matins ». Je le prends, la remercie. Dans mes souvenirs je suis sortie en regardant tous ces gens assis, encore chamboulée de ce qu’il venait de se passer. Mais à ce moment-là, il n’y avait que le lama et moi. Sa voix. Juste sa voix. Faisant fi de mes réflexions mentales.
Nous sommes rentrés. Vincent est parti une semaine plus tard. Il était encore à l’étranger quand je lui ai envoyé l’échographie des 3 mois.
J’ai su que plus tard que le prénom Éléa voulait dire compassion. Et d’ailleurs le rituel que je pratiquais au sein du ktt que je fréquentais était le bouddha de la compassion… que j’aimais tant chanter.
Le jour de conception noté par le médecin sur les papiers était…je te laisse deviner ? le jour de la prise de refuge.
Il y a encore tant de phénomènes étranges, comme ta bénédiction quand tu étais encore dans mon ventre, par les parents du Karmapa. Tant de choses qui ont fait que tu es arrivée avec une force incroyable.
Quand j’ai accouché, la sage-femme t’a posé sur mon ventre et j’ai senti tellement de force que j’en ai pleuré. J’ai pleuré de surprise, je n’avais jamais ressenti cela, autant d’énergies. Je m’attendais à un bébé fragile et tout petit.
…Comment autant de réflexions mentales et d’attentes peuvent nous obstruer la vue à ce point, et nous faire « PENSER » la vie (faussement qui plus est !) plutôt que la vivre !… juste la vivre sans rien attendre en retour. Juste la vivre et se laisser enseigner par elle a chaque instant.
Tu es ma voie de l’amour, Eléa. Celle qui m’a désobstrué les yeux une seconde fois. Et depuis la vie toute entière s’amuse a cette déconstruction.
Je m’amuse parfois à être ta maman, mais surtout je m’amuse à ne RIEN être, nue et vulnérable, devant toi, et me laisser encore enseigner.
Il y a 13 ans se passait tout cela. Et ce soir je vois ton message écrit sous ta photo : « Il n’y a qu’une chose qui puisse rendre un rêve impossible, la peur d’échouer ».
Mon petit bouddha de la compassion je t’aime infiniment 😀🌻🙏❤️💙 tu m’as donné la force de me laisser enseigner par le vivant et apprendre à me libérer de la peur de l’échec. Je me souviens encore à quel point je contrôlais mon alimentation, mes postures… pour tomber enceinte ! À quel point c’était juste « la peur d’échouer à avoir un bébé » qui me hantait.
D’ailleurs quelques années plus tard, de retour de retraite, je me suis heurtée à mon rôle de maman si égotique. Et lorsque ça se déconstruit, tout se déconstruit !!! Ça ne choisit pas !! Ce soir-là j’ai cru mourir et me réveiller le matin sans vous. Mais vous étiez tous là au petit matin, rien n’avait bougé et pourtant tout s’était écroulé en moi. Pas de maman, pas d’enfant et à la fois le plein, ça n’a pas de mot. Je n’ai jamais été aussi proche de toi que depuis cette déconstruction. Car tout cela se vit du même endroit. Je te vois au delà d’une enfant, au delà d’un corps et d’un esprit, je te vois.
Merci d’être ❤️🙏🌻